Libération, vendredi 05 mars 2004
Mitard symbolique à Moulins
En
signe de protestation, des détenus refusent travail, télé
et frigo.
Par Eric MOINE
Moulins (Allier)
correspondance
Le détenu qui a bousculé un
surveillant de la centrale de Moulins (Allier)
la semaine dernière
a pris huit jours de mitard. Et, parmi les seize qui, en
soutien,
avaient refusé de réintégrer les cellules le
soir même, les
premiers à passer au prétoire,
mardi, ont pris quinze jours de quartier
disciplinaire.
Le
mouvement s'est amplifié mercredi et hier. Plusieurs dizaines
de détenus
se sont symboliquement mis au mitard. Ceux qui
travaillent aux ateliers et
aux cuisines refusent d'y aller, et
plus de la moitié des soixante-quinze
qui peuvent se payer
des réfrigérateurs et des téléviseurs les
ont sortis
des cellules pour les abandonner sur la coursive. Pas
de travail, pas de
télé. Ils sont dans les
conditions de vie du quartier disciplinaire, en
solidarité
avec ceux qui y sont vraiment. «C'est aussi une façon de
montrer
que l'administration pénitentiaire peut bien les
priver de tout en plus de
la liberté, ça ne les
empêchera pas de dénoncer le durcissement de
leurs
conditions de détention», décrypte
l'épouse d'un des prisonniers participant
au mouvement.
Ces
histoires de mitard, comme les incidents qui se sont multipliés
ces
derniers mois, ne semblent que des conséquences du tour
de vis de
l'administration pénitentiaire sur Moulins. Une
centrale déjà considérée
auparavant
comme la plus sécuritaire d'Europe. Ainsi, en avril dernier,
les
portes des cellules ont été fermées dans
la journée, supprimant les
possibilités de
rencontres entre détenus. «C'est bien joli de vouloir
faire
un blockhaus, s'agace un surveillant, mais ce n'est pas à
nous, en première
ligne, d'assumer. Quand ils ont décidé
de fermer les portes, il aurait fallu
immédiatement
compenser par des activités hors travail en plus. Là, à
part
la promenade et le sport, on a un club d'échecs.»
Et, poursuit le
surveillant, «qui dit activités dit
faire entrer des intervenants
extérieurs. Pas évident
dans un blockhaus... On ne peut pas gérer des
longues
peines à la petite semaine. Déjà, à plus
de cinquante ou soixante
gars, c'est infaisable.»
Actuellement,
la centrale est au complet avec 124 détenus. Deux
équipes
régionales d'intervention et de sécurité
(Eris) créées par Perben pour
intervenir en
cas d'incident étaient hier sur place.