Liberation-Champagne, 16 décembre 2003.



Mutinerie de Clairvaux : le procès

des douze détenus renvoyé au 9 mars

 


Le président Chopin a ordonné le renvoi du procès de la mutinerie du 16 avril à la maison centralede Clairvaux. Une audience à l'allure de bande annonce. Ou de répétition générale.



L’audience avait débuté à 14h.

Les douze prévenus,

certains poursuivis pour

violences avec armes sur des

agents de la force publique, tous

poursuivis pour violences en ré-

union, dégradations ou destruc-

tions, avaient été amenés des

centres pénitentiaires où ils sont

actuellement incarcérés : Mou-

lins. Lannemezan, Fleury-Méro-

gis. Arles. Poissy, Ensisheim,

Fresnes... Douze gaillards, âges

de 27 à 45 ans. manifestement

pas mécontents de prendre un

bot d'air, apparemment décidés

à semer une joyeuse pagaille à

l'audience et à faire monter la

pression dans des rôles mi-re-

belles. mi-bouffons. Se distin-

guent quelques forts en gueule

qui dès l'interrogatoire d'identité

demandent le renvoi du procès,

faute d'avoir eu le temps de pré-

parer leur défense. Le président

Chopin n'a pas encore terminé le

passage en revue des prévenus

qu'éclate le premier incident. Les

avocats de la défense, brandis-

sent la convention européenne

des droits de l'homme et le Code

de procédure pénale pour faire

valoir que les prévenus doivent

être démenottés « non seule-

ment quand ils sont interrogés

mais tout au long de l'audience ».

Le procureur de la Ré-

publique, Christophe Kapella, s'y

oppose. Suspension d'audience.

Le président Chopin suit l'avis

du Ministère Public.

 

Levée de boucliers

 

Menottes mais pas bâillon-

nés, les prévenus dénoncent

d'emblée un « règlement de

compte de l'administration péni-

tentiaire » dont ils sont «vic-

times », une « enquête bâclée »,

revendiquant « une véritable ins-

truction » et criant leur  « refus

de payer pour rien ». L'un d'eux.

Farid Mebtouche. clame qu'il n'a

rien à voir avec la mutinerie du

16 avril, qu'on lui fait payer là un

mouvement de protestation pa-

cifiste organisé début novembre.

Un autre. Pascal Brozzoni. re-

vendique haut et fort, être le seul

chef de la mutinerie, après avoir

un peu plus tôt, affirmé qu'il

n'avait rien à voir avec ce qui lui

était reproché. Les avocats de la

défense font corps pour deman-

der unanimement le renvoi de

l'affaire, au nom du droit de la

défense. Directement incrimi-

nées par cette levée de bouclier.

les citations à comparaître déli-

vrées par le parquet de Troyes.

dix jours seulement avant l'au-

dience. Même, Me Lemoult, avo-

cat des parties civiles, représen-

tant six surveillants et

l'administration pénitentiaire, a

joint sa voix à celle de ses

confrères pour déplorer lui aussi

le « délai   très  court  des

citations » et plaider le renvoi

« pour un procès équitable ».

 

«  Contexte complexe »

 

« Ce n'est pas le nombre des

prévenus qui doit faire pencher

la balance. Nous avons des argu-

ments très sérieux dans ce dos-

sier d'une grande simplicité »,

tonne le procureur, insistant sur

« les 4,850 millions d'euros de

préjudice et les cinq surveillants

molestés ». II justifie le choix

d'un délai de citation « court

mais légal » et ce « par nécessité

d'assurer des conditions d'ex-

trême sécurité » : « Ce procès ne

pouvait pas se dérouler dans

d'autres conditions ». souligne-t-

il, s'opposant au renvoi.

M" Thierry Lévy, fait valoir

que « le dossier est vide » et que

« ce procès doit forcément être

renvoyé pour permettre la cita-

tion de témoins » à commencer

par René Danet, le directeur de

Clairvaux. Il laisse entendre que

le contexte de la mutinerie n'est

pas si simple, qu'elle aurait été

fomentée par la direction du

centre pénitentiaire pour « im-

poser au moyen des armes, les

mesures plus disciplinaires qui

avaient été décidées concernant

les conditions de détention et

dont il était acquis qu'elles se-

raient contestées ». II bat en

brèche l'argument des difficultés

d'organisation matérielle du pro-

cès : « Ce n'est pas une raison

pour le bâcler». Christophe Ka-

pella se lève et s'insurge ; « Je ne

peux pas laisser dire que l'admi-

nistration pénitentiaire aurait

provoque ce type d'émeute pour

mettre en place des moyens ré-

pressifs. C'est intolérable. Il est

16 h 20. Le tribunal se retire

pour délibérer et revient une

heure plus tard pour ordonner le

renvoi. La suite au 9 mars.


Valérie ALANIECE

 



Sécurité maximale pour audience à haut risque

 

Semaine chargée pour les po-

liciers troyens dans l’exercice du

maintien de l’ordre. Lundi, procès

de douze détenus pour l’incendie

à la centrale de Clairvaux en avril

dernier, match de football Estac-

Auxerre mercredi et verdict ven-

dredt suite au délibère de no-

vembre concernant «le gang des

gens du voyage. » La comparution

des « mutins de Clairvaux » était

placée hier sous une sécurité

maximale et a donc nécessité des

renforts extérieurs au départe-

ment. Rue Grosley, dix véhicules

de la CRS de Nancy étaient sta-

tionhes avec à bord deux sections

(4O hommes). La voie était interdite

à la circulation et au stationnement

durant la journée.

 

A côté, la grande grille du palais de justice

était fermée, l’entrée se faisant

par une seule porte. A 13h 30,

les fourgons amenant les détenus

se présentaient et s'engouffraient

dans les sous-sols, tandis que deux

gendarmes mobiles se tenaient

aux aguets, arme automatique au

poing,les motards de la police na-

tionale, comme ceux du groupe-

ment départemental de gendar-

merie ouvrant la voie. Sirènes,

gyrophares et déploiement d’uni-

formes ne manquaient pas d'intri-

guer passants et automobilistes. A

l’intérieur du tribunal comme

lors du procès des gens du voyage

le mois dernier, un portique et

des barrières métalliques étaient

à l'entrée de la grande

salle d'audience. Les sacs étaient

fouillés et les forces de l'ordre

prenaient place dans le hall. Entre

les CRS, les escortes et l’équipe

d'élite du Raid (police), reconnais-

sable à sa tenue sombre et son

écusson  blanc,  cinquante

hommes se sont assis aux côtés

du public admis à condition de ne

pas rester debout. Ils encadraient

bien sur solidement les prévenus,

mais s'installaient également près

du procureur, de la greffière et

des différentes issues. Parmi les

personnes présentes, une déléga-

tion discrète d'anarchistes. Les

policiers avaient eu vent de leur

venue par un tract appelant à un

rassemblement lundi pour soute-

nir les détenus. Aucun incident, à

l'intérieur comme à l'extérieur.

Dans la cour, plusieurs véhicules

de la police nationale ont sta-

tionné l'après-midi, les fonction-

naires veillant à ce qu'aucun intrus

ne pénètre à l’arrière du

bâtiment Pour superviser le dis-

positif, le directeur départemen-

tal de la sécurité publique

(DDSP), le commissaire division-

naire François Perrault a fait le

déplacement, tout comme Jean-

Marie Wilhem, directeur de cabinet du prefet,

Et Jean-Claude

Hassenfratz, chef du service

d'ordre et de sécurité routière

(SOPSR)au commissariat central.


Rudolphe PETE