Texte extrait du bulletin mensuel de la Croix noire anarchiste (ABC) de Dijon, n° 30 - août 2001] Il y a 14 ans à la prison des Baumettes, un mutin parle... Alors que l'on vient d'entendre parler de mutineries dans les prisons françaises, nous publions ce texte d'un mutin de Marseille, écrit il y a 14 ans, pour ne pas que les luttes de l'été 1987 ne soient oubliées. La mutinerie avait commencé le 16/7/87 avec 200 détenus sur les toits pendant 4 heures avant d'être chassés par les CRS à coup de lacrymo. Le bâtiment B fut presque entièrement détruit. Le lendemain, toute la prison s'embrasait contre les sanctions, alors que promenades et parloirs étaient supprimés, et que 14 " meneurs " étaient placés en garde à vue. "Le jeudi 16 juillet 1987 aux Baumettes, ce n'est pas 40, 50 ou 60 détenus qui se sont révoltés pour se vider de la haine dont on les ait emplis, mais 600 ou 700, car les 200 détenus que vous avez vus à la télévision, sur les toits des bâtiments A et B, et sur les toits des coursives des promenades, ne représentaient qu'une partie des mutins. A l'intérieur du bâtiment B où il n'y avait plus de surveillants, tous les détenus étaient hors de cellule. L'explosion des Baumettes est celle de 55 000 détenus des prisons françaises, elle représente le ras-le-bol de tous les détenus. Ce n'est pas la prison qui est en cause, c'est le système, la justice et la police qui en sont les causes. Répression, répression est le seul mot qu'ils connaissent, prévention et aide à la réinsertion, ils ne connaissent pas. Ils savent très bien qu'en plaçant 55 000 détenus dans des établissements qui ne peuvent en contenir que 32 000, ils amorcent la mèche qui va tout faire sauter. Politique, pouvoir, individu, qui se cache derrière tout cela ? Là est la question, qui peut tirer les marrons du feu sans se salir ou se brûler ? Finalement, à la haine répond la violence, qui engendre les mutineries carcérales. Les révoltés vont encore subir les contre-coups des mêmes coupables, justice, police, pouvoir. On dit que tout délit mérite châtiment, j'en connais beaucoup, des délits qui restent impunis. Pourtant justice et police eux aussi sont au courant. Alors pourquoi la France, pays démocratique, a-t-elle une justice de classe ? Que veulent dire ces beaux mots, liberté, égalité, fraternité ? Les médias dénoncent assez souvent des personnalités mouillées dans des affaires plus que louches, mais justice et police, complices du pouvoir, combinent de façon à étouffer ces affaires puis, les médias écrasent des coups qu'ils avaient dénoncés. Pour laisser la une à des braquages, des vols de voitures, des cambriolages qui alimentent les quotidiens des journaux, afin de laisser bien tranquilles les coupables du genre V.I.P., à leur sales coups. Vous avez dénoncé le trop plein des prisons, qui impose une promiscuité, dénoncé aussi la prise en charge et le paternalisme des directeurs des établissements pénitentiaires : on ne peut pas prendre une initiative personnelle sans en avoir au préalable fait une demande écrite. Ces demandes réclament, pour nous, une réponse prompte. Hélas, que ce soit le directeur, le surveillant chef ou tout autre service auquel elle est adressée, une réponse se fait toujours attendre. S'il y en a une, de plus, elle est rarement claire, il faut donc la refaire, et bien souvent, la réponse est négative. Ici nous avons explosé au nom des 55 000 détenus qui sont opprimés en France (pourtant nous avons un secrétaire d'État aux droits de l'homme !). Il faut que les Français sachent qu'ils sont tous en liberté provisoire. Lisez bien le code pénal, alors ça y est, c'est fait ? Donc, à bientôt dans ma sombre cellule. C'est un optimiste qui vous l'écrit : s'ils veulent construire des prisons pour avoir le double de capacité, c'est qu'ils comptent mettre 110 000 français dans ces prisons. Ici, en ce moment, les matons ouvrent les portes aux CRS qui sont dans l'établissement et ils fracassent du détenu. Que fait notre cher secrétaire d'État aux droits de l'homme ? Rien, il s'en fout complètement. Pensez-vous, en France, pour lui, les droits de l'homme ne risquent pas d'être bafoués, non, vu que l'on ne sait même pas ce que cela veut dire. Nous demandons un droit de regard de la cour européenne de justice sur les prisons françaises et aussi des commissions des droits de l'homme dans nos murs. Mais qui est qui ? Que veut quoi ? Arrêtez de vous cacher, hommes irresponsables, et laissez la place à des hommes compétents et emplis d'humanité. 156 détenus des Baumettes ont écrit au procureur de la République de Marseille pour s'accuser d'avoir participé au mouvement de revendications du jeudi 16 juillet 87, car seuls, 15 de nos camarades étaient montrés du doigt par la justice. Nous voulons crier et être entendus. Seule, une salle d'audience d'un palais de justice rempli de 170 détenus peut être l'endroit idéal pour s'exprimer et se faire entendre. Nous aurons la parole et nous parlerons. A bientôt, Monsieur Malhuret !" Les Baumettes Le 27 juillet 1987